J.O. 93 du 19 avril 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 07057

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Avis du 6 juin 2002 sur l'arrêté relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique


NOR : INDI0301277V



La Commission de régulation de l'électricité a été saisie, le 3 mai 2002, par le ministre délégué à l'industrie, aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, d'un projet d'arrêté relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, en application de l'article 31 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Sur le rapport du directeur de l'accès aux réseaux électriques, la CRE a rendu l'avis suivant :

1. L'article 7.2 de la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996 prévoit la fixation par les Etats membres « des exigences techniques minimales de conception et de fonctionnement en matière de raccordement... ». Ces exigences doivent « assurer l'interopérabilité des réseaux, être objectives et non discriminatoires ». Pour être conformes aux orientations de cette directive, elles ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de restreindre sans justification l'exercice des droits d'accès et d'utilisation ouverts aux clients éligibles, aux producteurs d'énergie électrique, aux réseaux de distribution ou aux détenteurs de lignes directes.

L'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité prévoit que seront fixées « les prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de distribution auxquelles doivent satisfaire les installations des producteurs et celles des consommateurs, les circuits d'interconnexion ainsi que les lignes directes... ». La finalité de ces prescriptions générales doit être d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau ainsi que de la qualité de son fonctionnement.

C'est donc à la lumière de l'obligation communautaire de liberté d'accès et de la stricte proportionnalité d'éventuelles restrictions de cette liberté aux finalités qui précèdent que la CRE doit analyser les dispositions contenues dans le projet qui lui est soumis pour observations en applications de l'article 31 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000.

2. Le projet d'arrêté comporte 3 chapitres et 23 articles . Il est destiné à prescrire certaines dispositions constructives des installations de production d'énergie électrique à raccorder au réseau public de distribution de l'électricité dont le respect apparaît nécessaire afin d'assurer la sûreté de fonctionnement de ce réseau ainsi que la sécurité des personnes et des biens.

Le projet d'arrêté relatif au raccordement des installations de production d'énergie électrique découle de l'application du projet de décret pris en application de l'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 préparé par l'administration et communiqué également à la CRE.


A. - Remarques relatives au contenu et à la cohérence du texte


3. Cet arrêté d'application est notamment destiné à remplacer en tout ou partie les arrêtés techniques des 14 avril 1995, 21 juillet 1997, 3 juin 1998 et 15 avril 1999 relatifs aux conditions techniques de raccordement au réseau public des installations de production autonome d'énergie électrique de puissance installée inférieure à 10 MW. Il appelle, en premier lieu, les remarques générales suivantes :

3.1. Le présent projet d'arrêté d'application, dans son article 9, renvoie, pour la définition des perturbations émises par les installations de production, à l'utilisation de la norme française et européenne NF EN 50-160. Cette norme ne traite pas de tous les réseaux électriques HTA, car elle n'est pas applicable aux réseaux électriques de tension supérieure à 35 kV, alors que la limite du domaine de tension HTA est fixée à 50 kV. Les dispositions relatives à la qualité de l'électricité sont imprécises et les conséquences de leur violation, notamment en termes de responsabilité des parties, n'apparaissent pas. La CRE souhaite donc que les engagements des gestionnaires des réseaux publics liés à la qualité de l'alimentation électrique, qui doivent être pris envers toutes les installations de production raccordées, soient également clairement définis par des paramètres techniques appropriés (creux de tension, taux d'harmoniques, déséquilibres...).

3.2. Le projet d'arrêté d'application comporte encore des impécisions engendrant des incertitudes sur la réalité des exigences normatives concernant la contribution des installations de production au soutien du système électrique. Ces incertitudes peuvent faciliter des comportements discrétionnaires et discriminatoires de la part des gestionnaires de réseaux. La CRE souhaite donc que soient définis, à l'article 2 du projet de décret, ce que sont le « régime spécial d'exploitation » et les « situations dégradées » (article 12). Il conviendrait aussi de définir précisément les « impératifs d'exploitation » qui permettent au gestionnaire de déterminer la puissance réactive réellement fournie ou absorbée par le producteur et le mode de régulation (article 7), le seuil de « > 12 MW environ » de puissance active maximale des installations de production, important pour le maintien de la sécurité des personnes et des biens en cas de défaut sur le réseau HTB (article 12), le seuil de « 1 % » de la puissance minimale tournante pour chaque réseau non interconnecté, pour faciliter la définition des installations de production qui doivent participer à la sûreté du système électrique (article 15) et « les quelques secondes » (ou la pente) que le régulateur doit mettre pour ajuster la puissance fournie à la valeur de consigne (article 18).

3.3. Le projet d'arrêté définit à l'article 16 les caractéristiques que doivent présenter les installations de production reliées à un réseau non interconnecté. Si ces dispositions paraissent justifiées dans leur principe, se pose néanmoins la question de leur application dans le respect des principes de non-discrimination et de transparence mentionnés par la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996. A cet égard, les valeurs limites de 25 à 30 % mentionnées au paragraphe 4.2.1 du rapport sur la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique prévue à l'article 6 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 ne sont pas reprises dans le projet. Pour être opposables à des demandes d'autorisation de production, elles doivent être définies dans un arrêté d'application et ne sauraient être fixées arbitrairement par le seul gestionnaire de réseau.

3.4. Les exigences s'appliquant à un groupe de production connecté à un réseau privé doivent également être spécifiques par rapport à celles s'appliquant à un groupe directement raccordé au réseau public. Il paraît en effet abusif de confier au gestionnaire de réseau public un pouvoir de prescription sur les installations privées dès lors que cette prescription excéderait les seuls besoins de protection du réseau public. Par exemple, pour le dimensionnement de l'ensemble des raccordements et des installations amonts, des réseaux d'usine, il faut notamment tenir compte :

- des paramètres décrivant les machines installées (en particulier les impédances qui influent sur le fonctionnement des réseaux) pour définir le courant de court-circuit, le plan de protection, le fonctionnement de la transmission des signaux tarifaires, la qualité (flicker, harmoniques...) et les dispositions de protection des personnes ;

- de la puissance livrée par le producteur au point du réseau public de distribution pour la définition du réactif, de la capacité de transit et du plan de tension. Cette puissance est à apprécier en fonction des consommations locales, des défaillances de la consommation et de la production.

3.5. Etant données leurs spécificités techniques, les équipements statiques nécessitent un traitement particulier qui n'est pas prévu dans le texte proposé. Or, avec le développement de certaines énergies renouvelables, et plus particulièrement les installations utilisant l'énergie radiative du soleil (installations photovoltaïques) et les piles à combustible (PAC), l'utilisation de ces types d'équipement va se développer. Il est donc indispensable que les articles 5,7 et 15 du projet d'arrêté d'application en tiennent compte explicitement.

3.6. Il est prévu que la puissance des installations de production soit limitée en fonction du domaine de tension de leur raccordement. Ces nouvelles dispositions dont les justifications techniques n'apparaissent pas clairement, notamment à la lumière des pratiques constatées dans les pays voisins ou couramment utilisées en France par la voie des dérogations généralement accordées selon des procédures peu transparentes, ont pour conséquence d'imposer une tension de raccordement en fonction de la puissance installée et sont susceptibles d'augmenter considérablement les coûts d'installation.

Les valeurs de la puissance limite qui pourrait être fournie en régime permanent à une installation consommatrice d'électricité (identiques à celles définies dans l'annexe I à l'article 8.1.2 de l'avenant du 10 avril 1995 du réseau d'alimentation générale en énergie) sont beaucoup plus importantes que celles imposées, à l'article 4, aux producteurs d'énergie électriques. Ainsi, pour la même tension du domaine HTA, une centrale de production sera limitée à 12 MW alors qu'une installation pourra consommer jusqu'à 40 MW.


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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Une disposition notamment fonction de la distance, comptée sur un parcours du réseau réalisable techniquement et administrativement, entre le point de livraison et le poste de transformation le plus proche du réseau public de distribution et fonction de la participation de l'installation du producteur au maintien de la tension (participation à la fourniture d'énergie réactive, à la consommation d'énergie réactive et au réglage de tension U/Q) permettrait de relever les valeurs limites de puissance proposées pour les producteurs et de leur faciliter l'accès au réseau.

3.7. La CRE souhaite que les refoulements soient clairement autorisés du réseau BT vers le réseau HTA et de celui-ci vers le réseau HTB. Toutefois, des précautions plus importantes, en ce qui concerne les transits sur les réseaux (flux d'énergie) seront à étudier.

4. Le projet de décret, également communiqué à la CRE, énonce les prescriptions techniques générales régissant le raccordement aux réseaux électriques publics de l'ensemble des utilisateurs, conformément à l'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, et renvoie à des arrêtés le soin de fixer les valeurs des paramètres et des seuils découlant des prescriptions techniques générales. Néanmoins, la CRE n'a pas eu connaissance de l'ensemble des textes visant à définir les prescriptions générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement de tous les types d'utilisateurs aux réseaux publics de transport et de distribution.

4.1. La CRE rappelle la nécessité d'assurer la cohérence d'ensemble du dispositif réglementaire envisagé par l'administration. Cette cohérence n'est à ce stade pas encore assurée. Il est donc nécessaire d'articuler correctement, sans redondance ni lacune, les cahiers des charges des gestionnaires de réseaux, les textes relatifs aux raccordements et ceux relatifs aux conditions d'établissement des contrats prévus par l'article 23 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000.

4.2. La CRE estime qu'il y a lieu de prévoir un arrêté d'application spécifique traitant des prescriptions techniques de conception et de fonctionnement du raccordement des installations de consommation intégrant des moyens de production (auto-production) propres destinés à l'alimentation de charges internes. La réglementation devrait également préciser que, dans ces cas, le respect des obligations contenues dans le projet de décret s'apprécie à la « frontière » entre l'installation concernée et le réseau public de distribution HTA et BT et non aux bornes d'une installation de production située à l'intérieur d'un réseau privé. Ce point « frontière » doit être défini comme étant le traditionnel « point de livraison (PdL) », qui correspond soit au point de soutirage pour une installation de consommation d'énergie, soit au point d'injection pour une installation de production d'énergie. En tout état de cause, le principe de la vérification du respect des obligations en un point « frontière » ne serait acceptable que sous réserve d'une définition techniquement adéquate de ce dernier.


B. - Remarques sur les conditions de mise en oeuvre

du projet par les gestionnaires


5. La mise en oeuvre de certaines dispositions par les gestionnaires des réseaux publics de distribution appelle les remarques suivantes :

5.1. Le projet d'arrêté d'application ne prévoit aucune obligation de transparence et de motivation des exigences du gestionnaire de réseau pour la fixation de certains paramètres (par exemple pour les installations de production non marginales par rapport au réseau), ce qui peut faciliter des comportements discriminatoires à l'encontre des projets de certains producteurs. La CRE estime qu'une procédure précisant les critères assurant la transparence et la motivation adéquate des décisions du gestionnaire de réseau doit être établie pour faciliter l'introduction et le règlement d'éventuels différends relatifs au raccordement d'installations de production aux réseaux publics. Le contenu d'une telle procédure relève bien d'un texte réglementaire.

5.2. En de nombreux endroits du texte, par exemple aux articles 8, 13, 14, 15 et 16, des modalités de décisions sont soumises au pouvoir confié aux gestionnaires des réseaux publics de distribution. La CRE estime nécessaire un contrôle strict de leurs décisions et du pouvoir discrétionnaire qu'ils pourraient exercer dans ce cadre et qui serait de nature à porter atteinte au principe d'accès régulé au réseau posé par la loi no 2000-108 du 10 février 2000. De même, le renvoi de la fixation d'un certain nombre de caractéristiques des raccordements à l'accord des parties ne doit pas conduire à des mécanismes d'accès négocié au réseau. Par surcroît, le fait de renvoyer trop largement à l'accord entre les parties fait abstraction de la situation structurellement asymétrique des gestionnaires de réseaux dans les négociations. Ainsi, le demandeur d'un raccordement est rarement en situation de faire valoir sa position et de négocier avec le gestionnaire de réseau en partenaire égal sur les points laissés ouverts par la réglementation projetée.

5.3. Dans l'établissement des prescriptions techniques, la CRE considère qu'il est particulièrement important de veiller à ce que les dispositions prévues à l'article 5 du projet d'arrêté d'application n'instituent pas de dispositions discriminatoires à l'égard des nouveaux entrants sur le marché de la production, notamment des petits producteurs décentralisés (installations utilisant l'énergie radiative du soleil, la micro-cogénération, les piles à combustible, ...). Afin de préserver les droits de chacune des parties, notamment au regard des contentieux éventuels relatifs à l'accès au réseau, il est nécessaire de prévoir un article fixant les conditions de raccordement de ces installations en fonction de leur impact sur le réseau public et une procédure spécifique d'instruction administrative pour la communication de leurs caractéristiques techniques.

5.4. En matière de puissance réactive, la CRE estime qu'il ne saurait y avoir de discrimination entre les différents modes ou types de production (machines tournantes, génératrices synchrones ou asynchrones, équipements statiques,...). En effet, dans le cas de la fourniture de puissance réactive réalisée par des batteries de condensateurs, la puissance réactive totale nécessaire doit correspondre à la compensation de la puissance réactive absorbée par son propre groupe et à la fourniture de la quantité prévue, en fonction de la puissance nominale apparente (cf. tableau ci-dessous extrait de l'article 7). Dans tous les cas, le producteur doit participer physiquement au maintien de la tension, soit par la fourniture de puissance réactive, soit par l'installation de batteries de condensateur chez lui ou dans le poste du distributeur. A défaut, il doit payer une compensation financière pour non-participation au maintien de la tension. Cette disposition est également applicable aux installations non reliées au réseau interconnecté prévue à l'article 15 du projet d'arrêté d'application.


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5.5. Le projet d'arrêté d'application prévoit des dispositions à l'article 8, spécifiques pour les installations de production d'énergie électrique, afin qu'elles ne perturbent pas le fonctionnement de la transmission des signaux à caractère tarifaire par le réseau électrique et afin de maintenir le niveau du signal à une valeur acceptable par les appareils des utilisateurs du réseau. Dans tous les cas, la vérification du fonctionnement de cette transmission doit être effectuée par les gestionnaires des réseaux de distribution avant le raccordement de l'installation projetée. Si le calcul montre que le raccordement de l'installation projetée perturbe la transmission par le réseau électrique d'un signal tarifaire, les gestionnaires des réseaux et le responsable de l'installation choisiront en commun les dispositions techniques à la charge du producteur permettant de ne pas affecter le bon fonctionnement de la transmission. Lorsque la solution consiste à l'installation d'un dispositif de filtrage, il appartient au producteur de l'installer et de le maintenir en état de fonctionnement.

La CRE note que les gestionnaires des réseaux de distribution ne sont pas tenus de se déclarer ou de déclarer leur réseau, s'ils pratiquaient la distribution de signaux tarifaires sur ces réseaux avant la parution de la loi no 90-1170 du 29 décembre 1990 relative à la réglementation des télécommunications. En revanche, en application de cette loi, ils sont tenus de le faire pour toutes les nouvelles portions de réseau. De plus, les gestionnaires doivent assurer un accès non discriminatoire aux réseaux de télécommunications ouvert au public à tous les utilisateurs. Ainsi tous les fournisseurs doivent avoir la possibilité d'utiliser les signaux tarifaires (dans les limites techniques de l'interopérabilité).

6. En conclusion, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CRE émet un avis favorable sur ce projet d'arrêté relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, sous réserve que les remarques mentionnées au paragraphe 3 du présent avis soient prises en compte par l'administration et que les remarques mentionnées au paragraphe 5 soient prises en compte par les gestionnaires de réseaux de distribution chacun pour ce qui les concerne.

Fait à Paris, le 6 juin 2002.



Le président,

J. Syrota